Image promotionnelle de la balado chemstory.

Ce texte sous forme de discussion est extrait de l’épisode zéro de Chemstory qui vise à présenter le projet et à le mettre en contexte. La transcription a été éditée pour en améliorer la lisibilité. L’intégralité de l’épisode zéro : « Bienvenue à Chemstory! » est disponible sur Spotify, Apple Podcast et YouTube. Les personnes ayant pris part à la discussion sont :

  • Olivier Ferlatte : professeur à l'École de santé publique de l'Université de Montréal et chercheur régulier au Centre de recherche en santé publique. Directeur du laboratoire Qollab, il est le chercheur principal du projet Chemstory.
  • Maxi Gaudette : Candidat·e au doctorat en santé publique à l'Université de Montréal, option promotion de la santé. Son doctorat porte sur le consentement sexuel dans des contextes de chemsex. Iel est aussi auxiliaire de recherche pour le projet Chemstory.
  • Alexandre Dumont-Blais : directeur général de RÉZO, organisme communautaire pour la santé et le mieux-être des hommes GBQ, des autres hommes, et des personnes trans ayant des relations sexuelles avec des hommes.
  • Michel Martel : travailleur social et sexologue qui travaille auprès des personnes qui pratiquent le chemsex depuis une douzaine d'années. Il a aussi pratiqué le chemsex et est en rétablissement depuis neuf ans.
En bandeau, les quatre portrait des présentateurs.

Bienvenue à Chemstory! (Épisode 0)

Maxi (il/elle/iel) : Bienvenue à Chemstory. Aujourd'hui, on discute pour présenter le projet et le mettre en contexte. Tout d'abord, c'est quoi le chemsex? Comment est-il pratiqué, et dans quel contexte?

Michel (il) : Le chemsex, c'est la consommation de substances psychoactives dans un contexte sexuel. C'est un phénomène qui a pris de l'ampleur au fil des années et qui n'a pas toujours porté ce nom-là. Vous avez peut-être plutôt entendu parler de PnP ou de Party n Play, qui sont d'autres termes qui sont encore utilisés dans certains contextes.

Maxi : Quelles communautés sont concernées par le chemsex?

Michel : Principalement des hommes gais et bisexuels ayant des relations sexuelles avec d'autres hommes, mais des personnes non-binaires et des personnes trans peuvent aussi être concernées.

Alexandre (il) : Et quand on parle de chemsex, est-ce qu'on parle de certaines drogues en particulier?

Michel : Il y a certaines drogues qu'on retrouve fréquemment : le crystal meth, le GHB, les amphétamines (speed), la “molly” (ecstasy)... On peut retrouver aussi le poppers, de même que la kétamine. À l'extérieur du Québec, on entend parfois parler de GBL et de méphédrone, donc il y a aussi des variations dans les drogues utilisées selon les régions.

Maxi : Donc, ce sont principalement des drogues illicites. Et le chemsex, ça ressemble à quoi en pratique? Ça se passe où, exactement? Plutôt en privé ou en public?

Michel : Ça peut être à deux, à trois, en groupe... Le chemsex peut aussi se pratiquer en solo dans des activités masturbatoires prolongées, qui durent parfois des jours entiers. Cela peut se passer dans des saunas, des maisons privées, des soirées festives, des parcs, des campings... Bref, dans plusieurs contextes. Et les effets recherchés par les personnes qui le pratiquent sont nombreux et diversifiés et commencent souvent par des effets positifs tels que la libération des inhibitions, l’augmentation de l’intensité des orgasmes, l’expression de fantasmes…

Maxi : Est-ce que le chemsex est beaucoup pratiqué, que ce soit ici à Montréal ou à travers le monde ?

Olivier (il) : Nous n’avons pas de données très précises à ce sujet. Cela dépend souvent de la façon dont la question est formulée dans les études. Mais il est clair que ce comportement reste relativement minoritaire, ce qui explique en partie pourquoi le chemsex reste un sujet tabou et largement stigmatisé.

Michel : C'est justement là qu'entre en jeu l'importance du projet Chemstory pour libérer la parole, ouvrir le dialogue, reconnaître que cela existe et de ne pas en avoir honte. Oui, il est essentiel d'en parler, vraiment, il le faut.

Olivier : Et pourquoi le chemsex a-t-il émergé comme priorité pour les organismes communautaires qui travaillent auprès des hommes gais, bisexuels et queers? Pourquoi devrions-nous s'en préoccuper?

Alexandre : Dans les communautés GBTQ+ que nous rejoignons chez RÉZO, il y a une quête de plaisir. Un besoin qui n'est pas propre à ces communautés, mais cette recherche de plaisir peut avoir des conséquences variées qui sont parfois bénéfiques, mais qui peuvent parfois devenir problématiques pour certaines personnes. En 2013 à Montréal, on en parlait à peine. Ailleurs, c'était déjà un gros enjeu de santé publique. Depuis cinq ou six ans, c'est devenu très prenant ici, aussi et nous avons développé des interventions et des programmes spécifiques pour aider les personnes qui avaient besoin de soutien…

Olivier : C'est dans ce contexte qu'est né notre projet de recherche Chemstory qui a émané de discussions au sein de la communauté LGBTQ. Le chemsex peut parfois entraîner des défis importants, certains perdent leur emploi, d'autres finissent à la rue… Il y a des problèmes de dépendances, de santé mentale, de santé physique.

Michel : De santé sexuelle aussi...

Alexandre : Les concertations à Montréal progressent. Des projets comme Chemstory sont essentiels pour visibiliser le sujet et donner la parole aux personnes concernées.

Maxi : Justement, Olivier, comment est né le projet Chemstory ?

Olivier : En 2019, des discussions ont émergé parmi les intervenant·es de la communauté LGBTQ+ et des chercheur·euses au sujet du chemsex, alors que la pratique suscitait de plus en plus de débats et de préoccupations. Ce qui m'a frappé, c'est que les débats étaient principalement dominés par des professionnel·les du milieu, mais que la voix des personnes qui pratiquent le chemsex était peu entendue.  Je me suis donc interrogé sur la manière de donner une voix et de la visibilité à ces perspectives uniques. Parallèlement, la baladodiffusion devenait de plus en plus populaire et semblait offrir une avenue prometteuse. C'est ainsi qu'est née l'idée de Chemstory. Les participant·es du projet bénéficieraient d'une formation en baladodiffusion afin de pouvoir partager sous forme de balado leur expérience liée au chemsex à leur manière. Nous leur avons donné carte blanche : elles pouvaient choisir le format, les thèmes à aborder, et laisser libre cours à leur créativité. Ce mode de participation permettait de porter leurs voix dans l'espace public. Les balados ainsi créés sont non seulement une mine de connaissances pour des passionné·es de recherche comme moi, mais aussi d'excellents outils pour sensibiliser des décideur·euses, intervenant·es, et même le grand public, qu'iels soient de la communauté LGBTQ+ ou non. Ainsi, ces balados contribuent à une meilleure compréhension de la pratique du point de vue des personnes concernées et, espérons-le, à plus de compassion.

Michel : Oui, et pour les personnes qui pratiquent le chemsex, c’est une opportunité d’autocompassion. En se plongeant dans leur propre narration, elles peuvent faire des découvertes importantes au sujet de leur propre vécu, c'est une véritable démarche d’empowerment. Partager leur histoire peut les aider à mieux se comprendre, et c’est extrêmement enrichissant.

Olivier : Exactement. Nous voulions leur offrir un espace pour exprimer ce qu’iels jugent essentiel de communiquer à propos de leur vécu en lien avec de chemsex. Ce processus les incite à une réflexion personnelle sur des sujets tels que leur sexualité, leurs priorités, et ce qu'iels souhaitent pour l'avenir.

Maxi : D'un point de vue communautaire, Alex, quels sont les bénéfices de diffuser de tels balados ?

Alexandre : Le format audio, sans l'image, est souvent moins intimidant, ce qui favorise une ouverture authentique lors des partages. En diffusant ces balados, non seulement cela sensibilise davantage de personnes, mais cela peut aussi en inspirer d'autres à chercher de l'aide ou à s'interroger au sujet de leur propre expérience. Ces balados sont de puissants outils pour visibiliser des réalités souvent méconnues et pour offrir des témoignages inspirants qui peuvent aussi être utilisés dans un cadre d'interventions.

Michel : Cela me rappelle les fraternités comme les AA ou Crystal Meth Anonymes, où le partage est crucial. Quand un individu repart de là, c'est ce lien au vécu commun qui fait la différence. Avec ces balados, on démocratise et amplifie cette expérience de partage, et c'est extrêmement puissant.

Maxi : Effectivement, la liberté offerte dans ces productions est importante. En étant responsables de leur propre montage, les participant·es façonnent librement leur récit, sans censure. Merci à vous, Olivier, Alex, et Michel, pour cette discussion enrichissante.

Olivier : Merci à vous tous·tes!

Prenez note que le recrutement pour la version française du projet est terminé, et tous les épisodes de Chemstory sont disponibles sur Spotify, Apple Podcast et YouTube.

Pour nous écrire : chemstory@espum.umontreal.ca

Quelques photos du lancement de Chemstory le 1er juin 2023 au Café de la SAT

Adaptation du texte de l’article et agent de recherche du projet Chemstory : Patrice St-Amour.