PnP/Chemsex: un spectre d'émotions - Une exposition photovoix
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Le vide
« C’est une photo d’absolument personne au parc, ce que je n’avais pas vu souvent. Ça représente la solitude. C’est vraiment mon trigger numéro un. […] C’est la première photo qui m’est venue en-tête, parce que c’est là que j’ai fait : « Ah!, là, je ne me sens pas bien ». J’avais tendance à sortir Grindr de ma poche. Puis là, j’ai réalisé : « je me sens seul, c’est un trigger, c’est le début, c’est relié à la consommation. […] C’est le point d’ancrage de tout ce qui est PnP/chemsex. […] C’est comme une fuite. C’est comme une recherche tout de suite de combler ce vide-là. C’était Grindr. C’était le sexe au début. Puis tranquillement pas vite, la consommation s’est jointe au sexe ».
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Vers l'inconnu
« [Avec le PnP/chemsex] on ne sait pas où l’on s’en va exactement. […] On sort d’être tout seul pour aller à d’autres gens. C’est excitant aussi l’inconnu. Ça amène un sourire. Ça amène un plaisir. Une volonté de plaire ou de découvrir. […] C’est une curiosité. On espère. Tu espères que ça va marcher. Tu espères que ça va cliquer ».
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Ça brasse autour
« Dans le PnP/chemsex, il y a un laisser-aller qu’on n’a pas dans la vie de tous les jours. Ça l’étire les moments de plaisir. […] Je ne considère pas que je suis dépendant. Ça ne m’empêche pas de vivre à date. Je paye mon loyer. Je paye ma bouffe. Puis, je consomme, ouais. Je suis limité dans mes actions ([mes possibilités de travailler]), de ce que je peux faire pour changer ma vie. Tant qu’à être chez nous à jeun, puis être dans les mêmes problèmes, dans les mêmes limitations, et bien pourquoi pas? »
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G.I. Joie
« [L’entrée du sauna] représente un sentiment d’excitation profonde. Quand tu arrives là, tu sais que tu t’en viens pour y passer la fin de semaine complète. J’arrivais le vendredi soir, à la sortie des bars, puis j’y restais jusqu’au dimanche après-midi. C’est plein d’excitation. […] C’est des centaines de personnes qui débarquent [au sauna] toutes les fins de semaine. Tu sais que tu vas avoir un choix immense de partenaires sexuels potentiels, que tu vas pouvoir explorer comme tu le veux, sans limite, ou presque ».
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Un feu de paille, ça brûle beaucoup, pis ça brûle vite
« [Ce sont] les premières heures de la consommation. Justement, quand tu sens que tu es le centre. La chaleur corporelle de la consommation. L’extase que tu peux vivre. […] C’est le fun d’être le centre de l’attention, d’être membre, de faire partie de quelque chose. […] Le sentiment de chaleur physique est très agréable. C’est imprimé en moi ».
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Finalement, ça finit jamais ben ces affaires-là
« Le côté mécanique de la relation sexuelle. Après la flamme, la chaleur. Quand tu es rendu que tu as terminé ton trip avec les gens, tu es tout seul. Tu te masturbes pendant des heures sur des films [pornos], puis c’est mécanique, c’est froid. C’est juste obsessionnel. [La chaleur] évolue à quelque chose de froid et mécanique, de déshumanisé, puis de centré sur soi, isolée ».
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Mon âme a mal
« À un moment donné [pendant la consommation], je viens en état ou les émotions vont paraître, elles vont changer. Je vais venir distrait. Je vais être dérangé. Je vais être stressé. Je vais être ambivalent. Je vais me sentir vulnérable. […] Je peux devenir un peu désorganisé. Donc, les plasters, c’était pour palper cet état-là. Puis, on aurait pu la prendre aussi pour [les blessures du passé]. […] Dans ce temps-là, j’évalue si je poursuis ou si je ne poursuis pas ».
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Le crash
« Il y a quelque chose de beau. Il y a les plantes, il y a le vivant, mais c’est vraiment massacré. C’est vraiment comment je me sentais après des trips [de PnP/chemsex], autant physiquement que mentalement. C’est peut-être la culpabilité. Le sentiment de vide qui revient. Tout est brisé. Il n’y a plus d’espoir. C’est mon trou noir post-consommation. […] Chaque fois que je réalisais que j’avais consommé pour combler quelque chose, puis que je ne me sentais pas du tout comblé après, je me sentais brisé. […] Je posais une action pour combler quelque chose, ça ne fonctionnait jamais, puis je le répétais sans cesse ».
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Temps de repos
« C’est un lampadaire au milieu d’un champ. Il y a un côté apaisant, je trouve. Seul, mais c’est tranquille. Ce n’est pas fou autour. [Après le PnP/chemsex], il faut que tu te remontes, que tu prennes soin de toi. Maintenant, je n’ai plus de périodes où je m’en veux, où je me déteste pour ce que j’ai fait ».
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click click click click
“What am I doing? Why am I so frantic about this? It's really weird.” (…) Sometime, I hit on myself, I’m really harsh on myself after using. Sometimes I'm not. And I'm trying to be less harsh on myself, because typically, I’ve notice like a trend. Just looking back, if I'm harsh on myself after using, I'm typically going to use again, in rapid succession. If I just acknowledge the fact that I’m an “addict”, […] if I acknowledge that, it’s more spaced out, rather than trying to stop.
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Vie d'ange
« La désolation, le sentiment de solitude. C’est aussi une forme de regret. Ça va encore plus loin, c’est le fait de se sentir comme un déchet. C’est souvent quelque chose que moi j’ai ressenti par rapport à moi-même. […] C’est le fait de se dire : « J’ai encore été trop loin. J’ai encore succombé. Je ne voulais plus aller là. » […] Tu peux quasiment perdre de vue le fait que c’est possible d’aller bien sans la conso, quand tu es dans le crash, quand tu es dans le down. Quand tu es dans l’épisode dépressif [après avoir fait du PnP/chemsex], la seule façon pour moi d’aller bien, à moins de prendre quelques semaines pour récupérer, c’était de recommencer à consommer ».
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Saboter mes racines
« Après avoir arrêté la consommation, il y a une cassure. Je suis coupé de mes racines, coupé de ce que je suis. Je vais être encore fâché, nerveux, irrité. Ça représente un peu un état comment je me sens à l’extérieur : abaissé, solitude, fatigue. […] À un moment donné, quand j’étais dans une période où j’en prenais deux ou trois fois par semaine, ça avait des répercussions sur les engagements, ma famille, mes amis, etc. Je trouvais que ça prenait trop de place. Ça peut couper de soi-même, couper de mes racines, mais, ça peut aussi me couper de l’extérieur, parce que tu deviens dans un cercle vicieux. Tu consommes, tu commences à t’en remettre, tu n’en es pas remis. Tu en reprends, tu reconsommes, tu commences à t’en remettre, tu n’es pas remis… »
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the today of 2016
« [C’est] l’opportunité de se reconstruire, puis toujours pouvoir évoluer, puis être une meilleure nouvelle version de nous-mêmes. […] Je trouvais que le « Welcome » était fort. Bienvenue, c’est attendrissant. Il y a quelque chose d’accueillant. […] Mais, je trouvais que c’était comme rempli d’espoir. C’est le début, c’est le renouveau. Mais, c’est aussi un moment de ma vie où est-ce que j’étais très triste, je pleurais beaucoup ».
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the today of 2020
« [Parfois], on ne veut pas sentir nos émotions. Souvent quand j’ai consommé, ou que j’ai rechuté, c’était pour des déceptions amoureuses. J’allais vers la consommation pour me faire valider, puis ne pas vivre ces émotions-là. […] Il y a d’autres solutions pour se sentir rempli. Souvent, ce qui me fait du bien, c’est d’aller dans un meeting [de Crystal Meth Anonyme]. Je me sens souvent rempli quand je sors d’un meeting. […] C’est un sentiment de communauté. Tu te sens compris. Tu te sens entouré, tu ne te sens pas seul. Tu te sens accompagné, compris, écouté, entendu ».
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the today of 2023
« Émotivement, en rétrospective, ça me fait réaliser que j’ai fait du chemin puis que je suis fier de moi. Je suis rendu avec une routine chaque matin. Je médite, je prie. Je fais une lecture. […] Ma vie est plus remplie. Il y a aussi plus d’objets sur cette image-là. Il y a une stabilité. […] Je suis fier de me lever le matin, puis d’avoir du plaisir dans ma vie. D’avoir le goût de me lever, puis d’aimer mon travail. Même si, des fois, il y a des journées que je suis plus déprimé que d’autres, puis ce n’est pas facile, mais comparé à [la période de PnP/chemsex], aujourd’hui, j’ai plus une envie de vivre. Je ne me sens plus en survie ».
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Un voyage unique, pis c’est ben correcte de même
« [Le sentiment de] paix est lié au PnP/chemsex aussi. Je n’en ai plus besoin. […] Accepter certaines choses que j’ai vécues. J’accepte que j’aie eu de plaisir. J’accepte l’intensité des choses que j’ai vécue. J’accepte que ce soit probablement la dernière fois. Je suis en paix avec cela, d’avoir vécu les expériences que j’ai vécues. Je suis en paix avec ma façon, de plus en plus, de dealer avec mes émotions, mes cravings ».
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Un bloc à la fois
« Les blocs LEGO : tu construis ça, ça peut se briser à tout moment, mais c’est correct, tu le reconstruis après. Je considère que je suis encore là-dedans. [Le PnP/chemsex], ça m’a fait perdre beaucoup de bouts de moi-même. Je suis en train d’essayer de retrouver ça. Je me reconstruis. […] Je crois que je devais vivre ça pour éventuellement être capable de reconstruire la personne que je voulais être. […] Beaucoup de gens vont me féliciter [dans mon processus de reconstruction]. Ils vont être comme : « tu dois être fier de toi ». Je ne suis pas nécessairement fier de moi, parce que, j’ai fait ça avant. C’est comme si ce que j’aille fait avant embarque par-dessus le fait que j’aille arrêté. C’est comme si je n’étais pas capable de me sentir bien parce que j’ai trop honte encore de ce que j’étais avant ».
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(Dés)Espoir
« C’est une photo quand même super apaisante. Puis, c’est vers là que j’ai envie d’aller. J’ai envie d’aller dans l’apaisement de moi-même. […] J’ai vraiment envie de me rendre là, mais il y a une émotion aussi qui est présente. Je me dis : « je vais-tu me rendre là un jour? » […] Des fois, je perds espoir de me rendre là, mais j’ai tout le temps un petit quelque chose en dedans de moi qui me dit que oui, je pourrais me rendre là si j’ai la volonté de le faire. […] Mon espoir, ça me fait avancer. Parce que si je n’avais pas d’espoir, je veux dire, à quoi ça servirait de faire tout ça? L’espoir me fait avancer ».
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A collection of experiences
“I just have a collection of used poppers. […] The metaphor is like a collection of experiences. It's one of the more positive feelings with PnP/chemsex. It’s a collection of good experiences that you were having with other people, that you wouldn't have otherwise. […] I have just made a lot of good friends through PnP. My closest friend here, we met through PnP. He is more like a respected friend though, rather than someone who I have sexual relations with. I do party with him, in the sense that I go to his place and party there, and he is like a safe person for me to party with”.
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Jouer avec le feu!
« Même si je ne consomme pas aujourd’hui, je crois encore que la consommation peut être très bénéfique, et peut apporter beaucoup de bien. Tant et aussi longtemps que tu es capable de la gérer. […] Le jour où j’ai su que j’avais le VIH, j’ai commencé à alimenter le feu. Je le contrôlais, mais je jouais avec le feu. […] La journée que j’ai commencé à prendre [la médication], je devais accepter. Je devais faire face à la maladie, tous les jours. Et celle-là, elle n’a pas passé. C’est là que j’ai perdu le contrôle de mon feu. Jamais je ne voudrais mourir, mais de prendre des risques qui pouvaient me mettre en danger m’excitait au plus haut point ».
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Je m’emprisonne
Après la consommation, c’est un puits. J’aimais l’effet de puits, qu’on est dans un gouffre. […] Dans ce temps-là, quand je me retrouve dans cet état d’être aspiré dans un trou sans fond, qui est noir, qui est sale, je peux devenir en colère. Je peux devenir encore anxieux, déstabilisé, choqué, d’être prit là-dedans encore. De toujours être là-dedans, de toujours recommencer. […] Je comprends pourquoi je suis encore là, mais je ne comprends pas que… Tu as juste à agir, ce n’est pas compliqué là. Tu connais les causes, tu connais les effets, tu connais la consommation, tu as évalué physiquement ce que ça fait, tout ça. Je suis rendu à agir, [mais] j’ai encore de la difficulté. […] Je veux sortir de là. On me montre comment, mais je suis encore dans le puits. Donc, ça me rend triste, puis ça me rend fâché contre moi-même.
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Dessécher
« C’est un peu le parcours, en fait. La fleur qui a été décrochée, mais qui est encore en vie. Il reste de la vie, visiblement. Puis, on le sait que ça va se détériorer. J’étais beau quand même. Je veux dire, [le PnP/chemsex] ne me définit pas. Mais, ça fait de la peine, honnêtement, de juste penser à ce que je me suis fait endurer. […] C’est comme si je m’ennuie aussi de ce moment-là. […] Je pensais que c’était ça qui était bien, puis je me sentais bien là-dedans. Je ressens de la peine. Je le vois à quel point ce n’était pas bon tout ce que je faisais. Peut-être que je ressens un peu de l’espèce de mélancolie, ou de l’espèce de nostalgie. Je sais que je n’ai pas envie de retourner là, mais je sais que c’était confortable aussi à ce moment-là, parce que je prenais une drogue puis tout disparaissait, c’était facile ».
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Miroir, miroir: dis-moi...
« Cette photo, c’est probablement celle qui représente le plus mon expérience complète du PnP/chemsex. Ça représente une vision déformée de moi-même. Au niveau des émotions, c’est une forme de confusion. Ça représente à la fois une mauvaise estime que je peux avoir de moi-même, avant de consommer, mais aussi une image déformée que me donne l’utilisation du PnP/chemsex. Et après, une espèce de sentiment d’être un monstre, d’avoir encore fait quelque chose de répréhensible, ou qui n’est pas souhaitable. Autant à mes yeux qu’aux yeux de la société ».
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Le mirage
Au début du PnP/Chemsex, tu te laisses envoûter par l’ouverture qui t’apporte sur un étang de possibilités. Est-ce réel? Est-ce un mirage? Tu le vois, tu le ressens… que ce soit tous les gars que tu peux avoir ou juste la déconnexion que tu auras rendue au milieu du lac, ceci est vrai! L’eau, c’est le pouvoir. Ce sentiment d’être powerful n’a pas de prix. Je consommais pour être bien, pour me construire une identité et faire partie de la gang qui consomme, qui trippe. Je prenais du Crystal Meth en voulant ce sentiment d’être libre, d’appartenance, être le superhéros, super kinky, et oublier. Tout ça sans apercevoir les buissons qui t’entourent qui sont les dangers. Et très vite, tu te renfermes au milieu de toutes ces broussailles. Tu te perds. Tu perds le contrôle et tu ne retrouves plus l’accès, qui était pourtant si visible. Et ce sentiment de bien-être tant recherché tranquillement s’efface. Tu réalises que tu t’es fourvoyé.