C’est quoi ça, la réduction des méfaits?
La consommation de drogues et d’alcool peut comporter plusieurs risques sur la santé. Parmi ceux-ci, on compte la transmission ou la contraction d’infections transmises sexuellement et par le sang (ITSS), des blessures et autres type d’infections ainsi que des surdoses pouvant causer des dommages au cerveau ou, dans certain cas, la mort.
Afin d’éviter ou de réduire ces risques, il est possible d’adopter plusieurs pratiques de consommation regroupées sous ce qu’on appelle la réduction des méfaits1. Cette approche est particulièrement pertinente pour des personnes qui ne souhaitent pas, ou ne sont pas tout à fait prêtes à arrêter leur consommation. La réduction des méfaits peut s’exprimer de plusieurs façons comme la distribution de matériel de consommation sécuritaire, des lieux surveillés pour consommer et/ou faire analyser ses substances et l’administration de médicaments pour réduire progressivement la dépendance. Il existe aussi une panoplie de stratégies de réduction des méfaits au niveau individuel, comme ne pas consommer seul·e ou faire un suivi serré de ses doses.
Cet article propose de se pencher sur les sites de consommation supervisée, la distribution de matériel, l’analyse des substances et l’approvisionnement sûr.
Les sites de consommation supervisée (SCS)
Un site de consommation supervisée est un lieu sécurisé (SCS) où les personnes consommatrices peuvent consommer sous la supervision de professionnel·les. L’objectif est de prévenir les surdoses et les risques sanitaires. Dans les SCS, les usager·ères peuvent avoir accès à du matériel neuf et le personnel sur place peut offrir des conseils sur la consommation à moindres risques, du référencement vers d’autres ressources ou intervenir en cas de problèmes médicaux ou de surdoses.
Contrairement à ce que certaines personnes pensent, les SCS ne visent pas à encourager la consommation, mais plutôt à protéger la santé des usager·ères et à améliorer la sécurité publique en réduisant la consommation dans la rue2.
À Montréal, il existe présentement cinq sites de consommation supervisée offerts par les organismes suivants : l’Anonyme, Spectre de Rue, Cactus, Dopamine, et la Maison Benoît Labre.
Distribution de matériel de consommation sécuritaire
Plusieurs ressources, incluant les centres locaux de services communautaires (CLSC), distribuent déjà du matériel de consommation sécuritaire. Ces ressources offrent du matériel pour toutes sortes de modes de consommation, que ce soit fumé, pris par voie nasale (sniffé), consommé par voie anale3 ou injecté. Voici quelques exemples :
- Les kits pour sniffer ou sniff kit. Elles contiennent généralement de la vitamine E pour prévenir les possibles lésions et protéger les muqueuses, des rouleaux de papier de style paille pour éviter le partage de matériel et une capsule d’eau stérile qui peut être utilisée pour se nettoyer les narines après avoir consommé4.
- Généralement, le matériel d’inhalation (pour fumer) contient des filtres (screens), des pipes en pyrex, des bâtons de bois (pousseux) et des embouts en PVC. Ces derniers sont utiles puisque le tube de pyrex, lorsqu’on le chauffe, peut causer des lésions aux lèvres qui peuvent augmenter les risques de transmission de certaines ITSS. De plus, les embouts de PVC peuvent également servir dans le cas d’un partage de matériel : pour une seule pipe, chacun peut avoir son embout pour réduire les risques de transmission d’infections.
- Dans les trousses d’injection, il y a des aiguilles et des seringues de différentes tailles, des tampons d’alcool, des tampons secs, des stericups (contenants pour faire chauffer ou préparer la substance), des filtres, des garrots, de l’eau stérile et de la vitamine C servant à dissoudre certaines substances5.
Bien qu’il ne s’agisse pas de matériel de consommation, la naloxone est également un outil essentiel en réduction des méfaits. La naloxone est un médicament qui renverse temporairement les effets d’une surdose aux opioïdes6. On peut administrer la naloxone par voie nasale ou en injection intramusculaire. Grâce à cet antidote accessible à tous·tes, de nombreuses vies ont été sauvées. Il est possible de se procurer gratuitement une trousse de naloxone dans les pharmacies ainsi qu’auprès de certains organismes communautaires.
Analyse des substances
L’analyse des substances permet de s’assurer que la substance que la personne consommatrice s’est procurée est bel et bien celle à laquelle elle s’attend7. Les organismes qui offrent l’analyse de substances ont recours à plusieurs technologies différentes. Ce service est généralement offert dans les sites de consommation supervisée (SCS).
Parmi ces services, la spectrométrie de masse et les tests de colorimétrie peuvent identifier les différentes molécules présentes dans la substance analysée. Le spectromètre, plus spécifiquement, permet non seulement d’identifier si la substance attendue est présente ou non, mais également d’identifier la présence d’autres substances. Une fois le résultat obtenu, c’est à la personne de décider si elle désire ou non consommer la substance.
Il existe également des tests d’analyse de substances que l’on peut faire soi-même. Ces tests permettent de détecter la présence de fentanyl ou de benzodiazépines dans les drogues, à l’aide de petites bandelettes. Ces tests ressemblent un peu à des tests de grossesse, ou encore à des tests pour dépister la COVID-19, et viennent avec tout le matériel nécessaire. Cependant, il faut noter que ces tests ne sont pas toujours fiables puisqu’on peut commettre des erreurs en effectuant soi-même le test et qu’il y a des risques que les résultats soient faux. Il est donc toujours préférable, si cela est possible, de faire analyser ses substances dans un site de consommation supervisée afin d’être certain·e de ce qu’elles contiennent. On peut se procurer ces tests auprès des organismes communautaires de réduction des méfaits.

Kit de testing
Anthea Dalle
L’approvisionnement sûr
L’approvisionnement sécuritaire en substances est reconnu comme une stratégie de réduction des méfaits, notamment pour prévenir les surdoses. Ce type de service permet aux personnes qui consomment des substances psychoactives d’avoir accès, sous supervision professionnelle, à des substances contrôlées comme des opioïdes, des stimulants ou des benzodiazépines8. Il s’agit ainsi d’une alternative plus sûre aux drogues de rue, plus à risque d’être contaminées ou d’être de composition incertaine.
La réduction des risques, ça sert tout le monde
Finalement, opter pour une approche de réduction des méfaits quand il est question de consommer des drogues et de l’alcool est bénéfique pour tout le monde. Les pratiques de consommation à moindres risques permettent bien sûr de sauver des vies, mais également de lutter contre la stigmatisation des personnes utilisatrices de drogues. La consommation dans les sites de consommation supervisée permet de réduire le nombre de personnes qui consomment dans les lieux publics, diminuant ainsi la quantité de matériel à la traîne. De plus, en faisant la promotion des pratiques de consommation à moindres risques avec une approche éducative et non-jugeante, on réduit la transmission d'ITSS dans la population. En d’autres mots, l’approche de la réduction des méfaits n’a que des avantages!
Références
[1] Brisson, P. (2012, 10 avril). L’approche de réduction des méfaits. Institut national de santé publique du Québec. https://www.inspq.qc.ca/publications/1451
[2] Dopamine. (s. d.). Services d’injection supervisée. Consulté le 1er avril 2025, à l’adresse https://www.dopamine.ca/service-injection-supervisee/
[3] Ministère de la Santé et des Services sociaux. (2008, 17 mars). Chacun son kit : s’injecter à moindres risques. https://publications.msss.gouv.qc.ca/msss/fichiers/2022/22-313-01F.pdf
[4] CATIE. (2021). Sniffer à moindre risque.
[5] CATIE. (2021). Savoir s’injecter (36 p.).
[6] Santé Canada. (2017, 21 mars). Naloxone [Éducation et sensibilisation]. https://www.canada.ca/fr/sante-canada/services/opioides/naloxone.html
[7] Leadhouse-Karine. (2022, 28 février). Service – analyse de substances – GRIP. https://grip-prevention.ca/analyse-de-substances/
[8] Santé Canada. (2021, 22 juillet). Approvisionnement plus sécuritaire : Médicaments prescrits comme solution de rechange sécuritaire à l’offre de drogues illégales [Descriptions de services]. https://www.canada.ca/fr/sante-canada/services/opioides/repondre-crise-opioides-canada/approvisionnement-plus-securitaire.html