Les jeunes issus des communautés LGBTQ+ consomment davantage de cannabis que leurs pair·es hétérosexuel·les et cisgenres, et présentent un risque accru de vivre des enjeux de santé mentale tels que la dépression et l’anxiété1. Pourtant, le lien entre la consommation de cannabis et la santé mentale chez ces jeunes est peu documenté et souvent abordé sous un angle pathologisant ou stigmatisant, sans tenir compte de leurs expériences vécues.

Le projet Cannapix

Cannapix, un projet de recherche du laboratoire Qollab financé par la Commission de la santé mentale du Canada, est né de la volonté de combler ce manque, en misant sur une approche participative et artistique centrée sur les voix des jeunes concerné·es. Réalisé en 2021 et 2022, ce projet a mobilisé 46 jeunes LGBTQ+ âgé·es de 15 à 24 ans, qui consomment du cannabis et vivent avec des enjeux de santé mentale.  Ces jeunes ont illustré à travers des photos leur rapport au cannabis, à la santé mentale ainsi qu’à leur identité sexuelle et de genre.

La méthodologie Photovoix

Les photos prises par les participant·es ont servi de point d’entrée pour des entretiens menés en ligne avec des jeunes chercheur·euses issu·es des communautés LGBTQ+. En s’appuyant sur leurs photos, les participant·es ont orienté les discussions en fonction de leurs vécus. Ces échanges ont permis d’aborder des thématiques telles que l’impact du cannabis sur la gestion de la santé mentale, la relation à l’identité sexuelle et de genre ou encore l’accès aux ressources et aux services de santé.

Les avantages d’une méthodologie basée sur l’art 

La méthode photovoix utilisée dans Cannapix, inspirée de la recherche-création, se distingue des approches plus traditionnelles en recherche en santé. Pour plusieurs jeunes, le processus de prise de photos a été l’occasion de réfléchir autrement à leur consommation, à leur santé mentale et à leur parcours identitaire. La photographie permet en effet de représenter visuellement des réalités complexes, parfois difficiles à mettre en mots. Cette méthodologie participative va au-delà de la simple collecte de données : elle engage activement les participant·es dans le transfert des connaissances. En conservant la propriété de leurs photographies, les jeunes peuvent les utiliser comme outils de sensibilisation dans leurs propres milieux, contribuant ainsi à diffuser des savoirs ancrés dans l’expérience vécue. Ce processus permet de briser les barrières entre la recherche académique et les communautés, en renforçant le pouvoir d’agir des personnes concernées.

Résultats principaux

Plusieurs participant·es ont souligné que le cannabis pouvait constituer, dans certains contextes, un outil pour gérer leur santé mentale. Pour certain·es, le cannabis aidait à atténuer des symptômes d’anxiété, de dépression ou de douleurs chroniques. D’autres ont évoqué son rôle dans le soulagement de traumatismes liés à la stigmatisation, au rejet ou à la violence. Les participant·es ont également mis en lumière l’importance d’avoir accès à des professionnel·les de la santé mentale sensibilisé·es aux réalités LGBTQ+, en mesure d’aborder la consommation de cannabis avec nuance, ouverture et sans stigmatisation.

Transfert des connaissances

En novembre 2022, avec l’accord des participant·es, les photographies ont été présentées dans le cadre d’une exposition publique pendant 10 jours publique dans le Village à Montréal. Le vernissage a réuni les participant·es, des chercheur·euses, des professionnel·les de la santé, des décideur·euses, des représentant·es d’organismes communautaires ainsi que des membres des communautés LGBTQ+, créant un espace de dialogue autour des enjeux de consommation, de santé mentale et d’identités. L’exposition a été visitée par plus de 300 personnes.

Cette exposition visait à reconnaître la contribution précieuse des participant·es au projet. Elle a permis de mettre en valeur leurs œuvres, tout en offrant un moment de reconnaissance, de partage et de visibilité. Pour plusieurs participant·es, l’événement a aussi été l’occasion de briser l’isolement en rencontrant d’autres jeunes partageant des expériences similaires avec le cannabis.

L’exposition a également été adaptée en ligne pour assurer sa pérennité.